Le livre Ernest Chaplet, la Révolution du Rouge de Cuivre vient de paraître dans une version française ou anglaise. Marc Ducret y présente l’homme, le céramiste, l’artiste. De nombreuses photos illustrent cette publication et permettent d’appréhender la puissance créatrice de Chaplet.
Marc Ducret nous fait revivre avec précision et subtilité la quête d’Ernest Chaplet qui, tout dévolu à l’aspect de la matière, va tour à tour transcender les ressources de la barbotine colorée, des grès bruns, des grès émaillés, des porcelaines aux multiples émaillages superposés et aux couleurs contradictoires. Tout comme son contemporain Alexandre Bigot, ses multiples recherches et expérimentations physico-chimiques vont lui permettre de créer, tel un démiurge, une matière où le rouge, si désiré et si fragile, pourra contre toute attente se révéler et tisser des liens avec le vert et le bleu si antinomiques aux températures pratiquées. C’est cette puissance que l’on a choisi d’intituler « la révolution du rouge de cuivre ».
Jamais nous ne sommes tentés de privilégier la forme, la couleur ou encore l’aspect, car tout ce qui envahit l’âme est indissociable. D’abord l’élection d’un primitivisme spatial exclusif, ensuite une palette originale patiemment élaborée dans ses tonalités, dans sa structure, enfin leur accouplement magistral où la fluidité ensorcelante d’une matière fiévreuse anime la surface disponible. Les trois sont consubstantiels, chacun oblige l’autre à l’effort de la réflexion, à l’inconfort du doute, du questionnement à même d’entrevoir ce cheminement vers l’oeuvre totale. Les créatures surgissent de l’ombre silencieuse du four pour paraître à la lumière naturelle, sans autre prétention que celle de nous émerveiller. Elles ont l’épiderme velouté du fruit, la densité de la pierre, les mille diaprures d’un fond marin sous la pureté de la vague. Les couleurs tourbillonnent et font le décor, abstrait comme l’est souvent la nature une fois libérée des entraves, par les contrastes, les coulures, les craquelures. Les dernières ont la douceur reposante des lithographies d’Henri Rivière, ciel pastel, nuagé, vaporeux, lavé par l’azur ; des verts pâles au tendre satiné d’une cosse d’amande ; des aplats rosés à la fraîche caresse d’une aube estivale.
La délicatesse touchante de cette oeuvre n’a pas échappé aux esthètes contemporains de Chaplet qui ont collectionné ses oeuvres au même rang que la peinture ou la sculpture puisque le charme envoûtant des porcelaines incarne une minéralité spirituelle anticipant la décomposition du réel qu’envisage Claude Monet.
Désormais, une émotion, un sentiment s’expriment aussi avec de la terre, de l’émail et du feu sans qu’il soit utile de matérialiser quelqu’un, quelque lieu ou quelque chose. Chaplet fait applaudir une masse de terre cuite colorée aux plus académiques des occidentaux, il leur transmet son goût des sensations fugitives, de ce qui existe, vibre, s’épanouit à la douceur infinie du plein air.